Diagnostics différentiels en cas de diarrhée chronique
Maladies intestinales inflammatoires (IBD)
Clinique
Un cas de maladie de Crohn ou de colite ulcéreuse est à suspecter de prime abord, si pendant plus de 4 semaines, on constate plus de deux selles molles ou aqueuses par jour, des douleurs ventrales et du sang dans les selles. Ces deux schémas de maladie montrent un point commun entre la genèse de la maladie, le déroulement, le diagnostic et le traitement. Tandis que la colite ulcéreuse affecte uniquement le côlon, la maladie de Crohn affecte l’intégralité du système gastro-intestinal. Plus des trois quarts des patients se plaignent de maux de ventre et de diarrhées. On constate du sang dans les selles chez la majorité des sujets souffrant de colite ulcéreuse, et seulement chez une minorité des patients atteints de la maladie de Crohn. Contrairement au syndrome du côlon irritable, les selles surviennent tout au long de la journée et de la nuit. Une température subfébrile est fréquente avec la maladie de Crohn active, une fièvre élevée se produit en général seulement en cas de complications infectieuses.
Si la maladie s’aggrave, une perte de poids et d’appétit, des nausées, de la fièvre et une anémie peuvent apparaitre. Une IBD peut être s’avérer complètement atypique, par exemple une fistule anale, des aphtes buccaux ou autres symptômes extra-intestinaux apparaissent, parfois en combinaison avec une perte de poids. Chez les enfants, les maux de ventre constituent le symptôme principal et il n’est pas rare de constater une anomalie dans la courbe des percentiles.
L’examen corporel associe la palpation abdominale et l'inspection de la région anale ; une attention particulière doit être portée à la peau, aux muqueuses de la bouche et des lèvres, afin de ne pas écarter les symptômes extra-intestinaux comme l’érythème noueux, la pâleur ou un pyoderme gangréneux.
Typische extraintestinale Manifestationen:
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Uvéite, Irite | |
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Erythème noueux | |
Pour mesurer l’activité de la maladie de Crohn on utilise l’index d’activité de la maladie de Crohn «Crohn's Disease Activity Index» - CDAI - ou le «Harvey-Bradshaw-Index» (voir scores cliniques).
Endoscopie
Une endoscopie avec biopsie de l’iléon terminal et du côlon fait partie du diagnostic initial en cas de suspicion de la maladie de Crohn ou de colite ulcéreuse. La maladie de Crohn est une affection discontinue typique, lors de laquelle le schéma de l’affection est la plupart du temps iléocolique, elle isole fréquemment l'iléon ou atteint le côlon ; on observe plus rarement une affection de la bouche, de l’oesophage et de l’estomac. Dans 60 à 80% des cas l’iléon terminal présente des modifications comme des érosions, des aphtes ou des ulcérations anciennes. Il peut aussi se produire des fistules (la plupart du temps dans la zone périanale).
La colite ulcéreuse est une colite distale continue, lors de laquelle l’iléon terminal peut présenter des signes d’inflammation, à comprendre au sens de «backwash ileitis».
En cas de suspicion de la maladie de Crohn la gastroscopie fait apparaitre des formes particulières, notamment dans l’estomac. L’entéroscopie de l’intestin grêle et l’endoscopie capsulaire conviennent à l’identification des modifications dans l’intestin grêle.
Imagerie
En raison de la radioexposition due à la tomodensitométrie avec examen à double contraste, on opte de préférence pour la MRT comme procédé d’imagerie. On peut alors détecter facilement les épaississements de la paroi intestinale, les abcès et les fistules.
Sonographie
La sonographie abdominale est une méthode qui, lorsqu’elle est effectuée par des personnes expérimentées, s’avère peu coûteuse et entraîne assez peu d’effets secondaires ; elle permet la détection d’éventuelles infiltrations de la paroi intestinale et de complications comme les abcès, les fistules ou encore les sténoses.
Laboratoire
On effectue les examens sanguins et les PCR dans le cadre d’un diagnostic de base ainsi que pour une évaluation de l’évolution de la maladie. Au cours des dernières années on a établi et fixé un dosage de la calprotectine dans les selles. La calprotectine est une protéine liant le calcium et le zinc présente dans les neutrophiles, les monocytes et les macrophages. Normalement il est admis que les selles d’une personne saine doivent en contenir moins de 50 mg/l. Lors de l’examen clinique, le dosage de la calprotectine est judicieux pour différencier les causes fonctionnelles des causes organiques d'une diarrhée chronique. Il faut cependant remarquer que l’augmentation de la calprotectine dans les selles n’est pas spécifique, et peut donc être le signe d’une diarrhée infectieuse, d’autres pathologies inflammatoires, voire d’une tumeur.
Une IBD peut provoquer une carence en fer, une anémie par carence en fer ou d’autres carences (vitamine B12, acide folique, vitamine D, oligoéléments, électrolyte), qui sont détectables par des examens de laboratoire. Le dosage des transaminases, des gamma-GT, de la bilirubine et des enzymes pancréatiques permet de confirmer des pathologies associées comme l’hépatite, la cholangite ou la pancréatite.
DD (diagnostic différentiel) maladie de Crohn – colite ulcéreuse
Lorsque la maladie de Crohn est liée à une affection du côlon, le DD entre cette maladie et la colite ulcéreuse peut s’avérer difficile. Les signes suivants sont caractéristiques de la maladie de Crohn :
- Maladie de l’intestin grêle ou du tractus supérieur
- Iléite terminale
- Affection périanale
- Fistules périanales et autres
- Dilatation rectale
- Affection discontinue et partielle
- Ulcérations profondes, sténoses
- Histologie : granulomes (30% des patients)
- Symptômes extra-intestinaux (aphtes, arthrites, uvéites, érythème noueux etc.) et perte de poids.
Pour la colite ulcéreuse les signes sont les suivants :
- Diarrhées sanglantes
- Prévalence distale continue au niveau du côlon
- Ulcérations de surface, hémorragies, vulnérabilité de contact
- Au stade du développement : l’histologie confirme une atrophie des muqueuses et des dysplasies épithéliales
Entérites infectieuses
Les infections aiguës virales et bactériennes sont la plupart du temps auto-limitantes et peuvent provoquer de rares diarrhées chroniques. En revanche, les parasites peuvent être la cause d’une diarrhée chronique. La limite entre une infection à Yersinia ou campylobacter et une maladie de Crohn peut se révéler difficile à déceler. La manifestation intestinale d’une tuberculose et l’amibiase peuvent être à l’origine de diarrhées chroniques ou pultacées et les muqueuses font supposer une maladie de Crohn.
Pour le diagnostic l’anamnèse (voyages, comorbidité, status immunitaire, drogues) ainsi qu’un examen microbiologique de l’agent pathogène sont essentiels.
L'entérite pseudo-membraneuse causée par un clostridium difficile est une forme spéciale de l’entérite infectieuse. Les diarrhées aqueuses, les maux de ventre et la fièvre pendant environ 5 à 10 jours - quelquefois plus - sont typiques de cette maladie et surviennent après prise d’antibiotiques (pénicilline, céphalosporine, clindamycine, fluoroquinolone) ou sous chimiothérapie. Les complications sévères comme le mégacôlon toxique et le décès sont rares. L’anamnèse avec prise d’antibiotiques, la recherche de toxines et la culture bactérienne est une directive pour le diagnostic.
Chez les patients immunodéprimés, la diarrhée chronique doit faire penser à une colite à cytomégalovirus. Une biopsie de la muqueuse permet d’établir un diagnostic en faisant une recherche de virus.
Malabsorption de l’hydrate de carbone
La prise de laxatifs, une intolérance au lactose ou au fructose peuvent être la cause d’ une diarrhée osmotique.
La prévalence d’une intolérance au lactose montre une différenciation géographique. Presque les 2/3 de la population mondiale sont concernés. En Suisse l'incidence est d’environ 30%. L’activité de la lactase commence à 2 ou 3 ans et se renforce à partir de 5 / 10 ans. Une carence en lactase peut être ou congénitale ou acquise (surprolifération bactérienne, entérite infectieuse, lésions de la muqueuse). En général chez les adultes l’activité de la lactase est faible, si bien que les symptômes peuvent apparaitre lors d’une consommation excessive de produits laitiers. La symptomatique dépend de la consommation et est très variable : alors que 2,5 dl de lait ne déclenchent aucun symptôme chez la plupart des adultes, la même quantité peut provoquer des douleurs abdominales et des diarrhées chez les enfants. Le diagnostic est établi par le test respiratoire H2 ou par mesure de la lactase avec biopsie de l’intestin grêle.
La prévalence de l’intolérance au fructose chez les adultes avec symptômes gastro-intestinaux inexpliqués reste relativement élevée. L’intolérance au fructose est liée à un trouble intestinal engendrant une augmentation du fructose dans l’intestin, ce qui entraîne une diarrhée osmotique. De toutes façons la capacité d’absorption du fructose est très variable chez les personnes en bonne santé. On trouve de grandes quantités de fructose par exemple dans les quetsches, les dattes et le miel. L’intolérance au fructose est diagnostiquée par le test H2.
Entérites médicamenteuses et immunologiques, entérite radique
Les antibiotiques, les laxatifs, les SSRI, les cyclosstatiques et la colchicine provoquent souvent des diarrhées aqueuses. La consommation fréquente de NSAR (anti rhumatismaux non-stéroïdiens) peut aussi provoquer des lésions des muqueuses, qui peuvent ressembler à une colite ischémique. Les NSAR peuvent en plus aggraver une IBD.
Les vasculites peuvent aussi induire des diarrhées. Les plus importantes sont la purpura de Henoch- Schönlein ou purpura rhumatoïde (plutôt chez les enfants ou les jeunes), la périartérite noueuse ainsi que les colites microscopiques (colite lymphocytaire ou collagène).
L’irradiation de tumeurs malignes dans la région abdominale déclenche une entérite radique soit aiguë (après quelques semaines), soit chronique (après quelques mois). L’anamnèse d’une irradiation dans le petit bassin est en général une directive pour le diagnostic.
Colites ischémiques
Chez un patient âgé atteint d'une maladie cardiovasculaire ou de diabète, on doit penser à la colite ischémique. Les douleurs abdominales sont en général aiguës et fortes, la diarrhée est fréquemment sanglante. Le diagnostic est angiographique ou, dans un cas aigü, intraopératoire.
Autres diagnostics différentiels gastro-intestinaux
La maladie cœliaque est un diagnostic différentiel important. Les symptômes classiques en sont la diarrhée, la perte de poids et le syndrome de malabsorption – semblables à ceux de la maladie de Crohn. Le dosage des anticorps de la transglutaminase et la biopsie duodénale sont diagnostiques.
La diarrhée cologène apparait suite à l’effet osmotique de la bile dans le côlon après résection iléocæcale ou autre acte chirurgical.
Le cancer du côlon se manifeste rarement par une diarrhée chronique. Par contre un changement non spécifique des selles chez les patients de plus de 50 ans permet d’orienter le diagnostic. Une coloscopie permet d’écarter toute suspicion de cancer. Chez les malades souffrant depuis longtemps de colite ulcéreuse on doit suspecter un cancer du côlon.
Les personnes atteintes d’une insuffisance pancréatique exocrine associée à une pancréatite, un cancer du pancréas ou une fibrose cystique peuvent souffrir de diarrhée chronique. Le symptôme principal de mauvaise digestion est la stéatorrhée avec des selles volumineuses, malodorantes et grasses. Le protocole d’imagerie (ultrasons, CT abdominale) permet de donner des informations sur les changements morphologiques ; les examens de routine en laboratoire sont non spécifiques et non diagnostiques. En plus des changements morphologiques du pancréas, la limitation de la fonction représente un critère important pour le diagnostic. La limitation de la fonction apparait seulement en cas de perte de plus de 90% du pancréas. Un test de la sueur pourra confirmer le diagnostic en cas de suspicion d’une CF (mucoviscidose).
Le carcinoïde et le lymphome du tractus gastro-intestinal sont rarement des diagnostics différentiels.
Diagnostics différentiels extraintestinaux
La cause endocrine la plus courante d’une diarrhée est l’hyperthyroïdie. Les examens de base comportant un dosage des TSH permettent d’exclure cette dernière. Les autres causes endocrines d’une diarrhée chronique sont le diabète (neuropathie autonome), l’hypoparathyroïdie, la maladie d’Addison ou des tumeurs rares hormonosécrétantes (tumeurs gastro-intestinales neuroendocrines, comme par exemple le carcinoïde). L’alcool et autres pharmacodépendances peuvent aussi provoquer des diarrhées.
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13.05.2010 - dde |
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